Tous les jours dans notre quotidien, et le plus souvent de manière inconsciente, nous sommes confrontés à tout un tas de stéréotypes qui placent les femmes ou les hommes dans certaines cases. Il ne faut alors pas confondre les stéréotypes qui touchent aussi bien les hommes que les femmes et qui sont des représentations que l’on se fait de quelque chose et les inégalités qui peuvent parfois être conduites par les stéréotypes.
Socialisation différenciée.
Tout d’abord, les stéréotypes sont intériorisés par les enfants dès leur plus jeune âge car ils sont transmis comme des façons de faire de la société qui doivent être suivies : c’est le phénomène que l’on appelle la socialisation. La socialisation est un processus par lequel la société agit afin de conditionner ses individus et que ceux-ci intériorisent des manières de penser ou d’agir (c’est ainsi que sont inculquées les normes et les valeurs). Elle est transmise par des agents de socialisation : les parents, l’école, les médias, le groupe de pairs (personnes partageant une caractéristique commune)…
Dans le cas de la socialisation différenciée, ici selon le sexe, le processus de socialisation conduit à ce que différentes catégories d’individus adoptent des normes et des valeurs différentes. Les petits garçons et les petites filles reçoivent donc une éducation conforme à ce que la société attend d’eux. C’est ainsi que les stéréotypes restent profondément ancrés, sans même que l’on ne s’en rende compte. Pierre Bourdieu, célèbre sociologue, mène une réflexion dans son oeuvre La Domination Masculine et étudie les rapports sociaux entre les femmes et les hommes. Il explique ainsi que tout dans l’inconscient collectif prédispose à la domination masculine. Nous allons donc voir comment se manifeste ce phénomène.
Rose pour les filles, bleu pour les garçons.
Cette distinction des sexes selon la couleur est bien connue de tous, et pourtant cela apparaît comme un stéréotype qui malgré des évolutions reste encore très présent dans notre société. A l’enfance, on associe le rose aux petites filles, et le bleu aux petits garçons. Et cette distinction de couleur se retrouve dans de nombreux domaines : l’habillement, la décoration de la chambre de l’enfant, les jouets… Pourtant à l’origine, c’était l’inverse ! Autrefois le rose était associé aux garçons, couleur considérée comme virile, tandis que le bleu était associé aux filles, couleur divine de la vierge Marie dans la tradition chrétienne. Puis petit à petit, le bleu est devenu une couleur masculine tandis que le rose s’est féminisé.
Et le fait est que même les grandes enseignes ne nous laisse plus le choix. Les rayons de l’habillement pour les petites filles sont remplis de vêtements roses, à paillettes, avec des princesses… Tandis que ceux des garçons sont bleus parfois avec des super-héros. Ces images de couleur associées à un sexe sont donc véhiculées par la société et transmises aux enfants comme une norme de la société.
On peut d’ailleurs le constater dans l’album pour enfants, Overdose de rose, de Fanny Joly et Marianne Barcilon publié en 2017. Il raconte l’histoire de Madame Machin-Chose qui après avoir eu six garçons, a une petite fille, qu’elle appelle Rose. Elle va grandir sous cloche, sous une avalanche de rose, surprotégée par ses parents. Elle doit être douce, calme, obéissante, gentille, mignonne, ravissante, bien coiffée… Mais la petite fille au caractère bien trempé ne tarde pas à se révolter. Ce livre montre l’éducation genrée et la prédominance du rose pour les filles, mais aussi la volonté de les surprotéger, l’importance qu’on porte à leur apparence, un comportement différent de celui que l’on adopte avec les garçons… Cet album met en évidence la socialisation différenciée selon le sexe tout en adoptant un angle anti-sexiste.
Les jouets genrés.
Aujourd’hui le marketing attribue explicitement également certains jouets pour les filles et d’autres pour les garçons.En effet, les magasins de jouets, que ce soit dans les catalogues ou bien dans les rayons, distinguent les filles et les garçons en réservant des jouets différents pour chacun d’eux. Selon une étude de l’IET – l’Institution of Engineering and Technology – menée en décembre dernier , 89% des jouets dits « de fille » sont de couleur rose. Ce phénomène récent est apparu dans les années 1990. Avant cela, les jouets étaient d’avantage unisexes et on se préoccupait plus de l’égalité des sexes selon Mona Zegaï, auteur d’une thèse sur la socialisation sexuée des enfants par le biais des jouets. Cela se voit nettement en comparant ce catalogue de jouets des années 1980 et ceux d’aujourd’hui.
Et si les marques font cela , c’est pour une question financière, les jouets ne se transmettent plus d’un garçon à sa sœur car ils n’ont plus les mêmes catégories de jouets qui leur sont attribués et les parents doivent donc racheter des jouets neufs. Comme le montre les anciennes publicités de la marque LEGO dont les jouets étaient unisexes auparavant, tandis que certaines gammes sont aujourd’hui dédiées aux filles.
Le problème avec les jouets genrés, est qu’ils maintiennent les stéréotypes entre femmes et hommes. Par exemple, les jouets destinés aux filles suggèrent qu’on attend d’elles qu’elles soignent la sphère domestique (jeux d’imitation, de ménage, de dînette, poupées), et leur apparence physique (jeux de maquillage, coiffure, bijoux…) tandis que les jouets destinés aux garçons sont plutôt centrés sur l’aventure, la construction et l’exploration, ainsi que des jouets pour sauver le monde (super-héros, policiers, pompiers)… La répartition n’est donc pas forcément équitable et conduit les enfants à penser qu’ils doivent aimer tel ou telle chose en fonction de leur sexe. Certains parents sont favorables à ce que leur enfants n’est que des jouets qui lui soit destinés par son sexe. Cependant la majorité tente désormais d’interpeller ces représentations stéréotypées dans tous les domaines.
L’un des grands classiques intergénérationnels de la littérature jeunesse que la grande majorité des enfants connaissent en est une illustration, il s’agit en effet de Blanche Neige et les sept nains. Ce conte homonyme écrit par les frères Grimm en 1812 en allemand à ensuite été traduit et adapté des décennies plus tard en dessin animé et en film. Cette œuvre est donc ancienne mais a une place importante dans notre société moderne et est connue par tous les enfants aujourd’hui. Il raconte l’histoire de Blanche Neige, une princesse d’une très grande beauté, ce qui rend jalouse sa belle mère. Celle-ci veut la tuer et demande donc au garde de s’en charger. Mais celui-ci ne parvient pas à le faire et abandonne la jeune fille dans la forêt lui laissant la vie sauve. Blanche Neige erre seule dans la forêt et arrive dans la maison des sept nains, qui décident de lui offrir le logis ; en échange elle tient la maison propre et fait la cuisine pendant que les nains travaillent. La belle mère finit par l’empoisonner avec une pomme mais un prince passant dans la forêt la délivre par chance de ce sortilège. Ils vécurent heureux ensemble.
Cet ouvrage dédié aux enfants, véhicule les stéréotypes de notre société. La femme, incarnée par Blanche Neige s’occupe de la maison et de la cuisine, elle dédie son temps aux tâches domestiques, tandis que les hommes de la maison, les nains, travaillent dans les mines, donc dans un domaine dit « masculin et viril ». Et Blanche Neige est un être fragile qui est empoisonnée et qui a besoin du prince pour la sauver.
Désormais les parents rejettent de plus en plus ces stéréotypes. Pour la décoration de la chambre, ils optent plutôt pour des couleurs mixtes telles que le orange, le vert ou le taupe. Il en va de même pour les vêtements où les parents choisissent là encore des tons qui peuvent convenir aussi bien aux filles qu’aux garçons. Enfin du côté des jouets, certaines enseignes réagissent face à ce phénomène afin de ne plus associer un jouet à un genre. Ainsi les supermarchés Super U ont choisi de mettre en scène dans leurs catalogues des filles avec des camions ou des garçons avec des poupons afin de déconstruire ces stéréotypes comme le montre l’image ci-dessous.
Le sport rime-t-il aussi avec stéréotypes ?
Les stéréotypes transmis aux enfants ne concernent pas uniquement les couleurs, les jouets et l’habillement, le sport est aussi sujet à véhiculer certaines idées reçues. On entend souvent dire que les filles ont des caractéristiques innées qui les conduisent vers certains sports dits féminins et inversement pour les garçons.
Dans les mentalités, filles et garçons ne pratiquent pas les mêmes sports et un enfant allant à l’encontre de cela suscite des doutes et est « mal vu ». En effet, les garçons sont incités à développer des qualités de force, de rapidité et de résistance à l’effort, en pratiquant des sports comme les sports de combats (boxe, catch), le football... Et les filles à être adroites, gracieuses et agiles en pratiquant des sports tels que la danse, la gymnastique…
Ces stéréotypes les conduisent à intérioriser qu’ils doivent adopter tel ou tel comportement. Les garçons doivent ainsi être virils, forts, résistants tandis que les filles doivent être douces, gracieuses… Et cela conduit ainsi à marginaliser certains enfants qui ne se sentent pas adaptés aux qualités qu’on attend d’eux selon leur sexe, et forme aussi des différences entre les femmes et les hommes à l’âge adulte.
Une collection d’albums pour enfants intitulée Emma & Lucas présente deux enfants, une fille et un garçon qui font du sport. Mais pendant qu’Emma pratique la danse, Lucas joue au football ou au rugby. Ces livres ont pour but d’initier les enfants à une activité sportive en orientant les filles vers les domaines artistiques tandis que les garçons sont orientés vers les sport dits« virils ». On a un exemple de socialisation différenciée par le sport qui fait assimiler aux enfants des stéréotypes auxquels ils doivent se plier, et ces livres ne sont pas un cas isolé…
Certains auteurs tentent au contraire de lutter contre les stéréotypes dans leurs ouvrages,c’est le cas de Christine Sagnier et Émilie Beaumont qui ont écrit un album : Le foot, c’est aussi pour les filles ! Qui montre qu’il n’y a pas que les garçons qui jouent au football, les filles aussi savent jouer au foot,comme Capucine qui en est un bon exemple. En revanche Lola a plus de mal, mais elle est prête à tout pour marquer un but !
Des stéréotypes transmis aux enfants qui se manifestent dans la vie d’adulte.
Lorsque l’on se demande d’où viennent les différences entre femmes et hommes dans la vie quotidienne, on peut penser que tous les stéréotypes, évoqués auparavant, sont transmis aux enfants et ont des conséquences sur leur manières de penser ou d’agir. C’est ainsi que les stéréotypes restent ancrés à l’âge adulte et se manifestent parfois sous forme d’inégalités.
En effet les tâches domestiques en sont un exemple qui illustre ce fait. Si ces dernières années il est vrai que les hommes consacrent plus de temps à celles-ci, les femmes passent encore deux fois et demi plus de temps que les hommes à s’en occuper. En effet selon une enquête menée par le Crédoc (Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie) en 2015, les femmes consacrent en moyenne 117 minutes par jour pour les tâches domestiques contre 46 minutes pour les hommes. 91% des hommes disent ne pas repasser au sein de leur foyer, 60% ne font pas le ménage, 50% ne cuisinent pas, et 48% ne font pas la vaisselle.
En revanche, en ce qui concerne les femmes 73% des femmes en couple repassent, 93% font le ménage, 93% font la cuisine, et 83% font la vaisselle. On voit donc clairement que les femmes s’occupent beaucoup plus tes tâches ménagères que les hommes, les femmes sont assimilées à celles-ci. Tout comme les jouets tournés vers l’entretien de la sphère domestiques sont destinés aux petites filles en grande majorité. On retrouve des répercussions dans le temps libre des femmes par rapport à celui des hommes. Les femmes consacrent en moyenne 2h45 par jour à leurs loisirs contre 3h20 pour les hommes.
Un type de tâche est en revanche plutôt réservé aux hommes : le bricolage et jardinage. Le temps consacré chaque jour par les hommes pour le jardinage est de 11 minutes contre 7 minutes pour les femmes. Dans le cas du bricolage, les hommes lui consacrent en moyenne 2 minutes par jour, tandis que les femmes ne s’en occupent pas du tout. On associe le bricolage et le jardinage à des activités d’hommes et les jouets dits masculins se tournent d’ailleurs vers cette représentation.
Ces écarts se réduisent progressivement, les femmes consacrent moins de temps qu’avant pour les tâches domestiques et les hommes eux, en consacrent de plus en plus, mais cette évolution est très lente et peut prendre des décennies pour parvenir à un équilibre parfait du partage des tâches entre femmes et hommes au sein du foyer.
Enfin, d’après cette étude, les femmes renoncent trois fois plus à leurs ambitions professionnelles que les hommes, elles sont 18% à le faire contre 6% des hommes.
Les femmes et les hommes n’occupent pas les mêmes postes, nous avons pu le constater dans notre article précédent traitant de la place de la femme dans le monde du travail. Les jouets poussent en effet les femmes et les hommes à pratiquer des activités différentes, et à avoir des goûts différents. En effet, l’étude de l’IET constate que « les jeux axés sur la science, la technologie, l’ingénierie et les mathématiques sont trois fois plus susceptibles d’être mis en marché de manière à cibler les garçons ». Et l’institut déplore cette constatation qui établit selon lui un lien direct avec la faible proportion de femmes dans ces domaines professionnels. Les représentation que l’on a des individus dans le sport selon leur sexe les conditionne également à développer certaines aptitudes plutôt que d’autres.
En effet Simone de Beauvoir, féministe engagée a écrit Le Deuxième Sexe en 1949, elle justifie ses positions féministes par des thèses philosophiques et historiques. Simone De Beauvoir défend la thèse suivante : l’inégalité entres hommes et femmes est construite de manière historique et idéologique. Selon elle, les femmes doivent reprendre possession de leur destin, non en tant que femme, mais en tant qu’homme comme les autres. Ainsi,elle dit dans le tome 2 de son oeuvre : “C’est un criminel paradoxe que de refuser à la femme toute activité publique, de lui fermer les carrières masculines, de proclamer en tous domaines son incapacité, et de lui confier l’entreprise la plus délicate, la plus grave aussi qui soit : la formation d’un être humain.”
Les stéréotypes sources de différences entre femmes et hommes.
Quel est le constat qui peut être déduit de ces données ? Les différences entre femmes et hommes, et la place que l’on attribue de manière « naturelle » à chacun d’eux dans la société, ne sont pas innées mais sont engendrées par la société.
La société conduit les individus, dès leur plus jeune âge, à intérioriser des façons de penser et d’agir différentes en fonction de leur sexe au travers de la socialisation différenciée. Les jouets genrés, la distinction des couleurs, et même le sport poussent les enfants à adopter tel ou tel comportement, ou idée, et les poussent à s’orienter vers certains domaines plutôt que d’autres. C’est pourquoi les stéréotypes ancrés et véhiculés par notre société contribuent à perpétuer les inégalités existantes.
Les enfants ne choisissent pas d’être attiré par le rose ou le bleu, ni par la boxe ou la danse, ouencore par le ménage ou le bricolage, et pourtant les pressions exercées sur eux qui leur présentent ces distinctions comme « normales », les orientent dans leur choix, et dans le cas contraire peuvent être marginalisés ou « mal vus ».
Les stéréotypes poussent à laisser croire que les femmes sont faites pour les tâches ménagères et sont des êtres sensibles et doux. D’où l’inégale répartition des tâches domestiques entre femmes et hommes au sein du foyer. D’où aussi les différences en matière de professions et de domaines d’activité des femmes et des hommes.
Ainsi Simone de Beauvoir a écrit Le Deuxième Sexe en 1949, elle défend le fait que l’inégalité entre hommes et femmes est construite de manière historique et idéologique. Selon elle, les femmes doivent reprendre possession de leur destin, non en tant que femme, mais en tant qu’homme comme les autres. Elle donnait alors une explication à ces différences dans les mentalités, disant, dansle tome 1 de son oeuvre: “Une femme qui n’a pas peur des hommes leur fait peur, me disait un jeune homme.” Ce qui montre que ces différences sont engendrées par les mentalités ancrées dans la société.
Désormais les choses commencent à changer, la société a pris conscience des stéréotypes auxquels elle est confrontée et tente de faire bouger les lignes. On essaie d’être plus neutre au niveau du choix des couleurs, de faire en sorte que les jouets soient moins genrés et d’ouvrir tous les domaines sportifs aux femmes comme aux hommes. Les écarts se réduisent même si c’est un processus lent et qui prendra certainement des années encore pour arriver à une parfaite égalité des genres et la déconstruction des stéréotypes.
Nos sources :
http://www.huffingtonpost.fr/mariececile-naves/stereotypes-filles-garcons-inegalites_b_4687186.html http://www.femininmasculin.org/du-bleu-pour-les-filles-et-du-rose-pour-les-garcons-et-alors/
http://www.slate.fr/story/131849/jouets-genre-enfants
https://www.francetvinfo.fr/societe/egalite-homme-femme-la-repartition-des-taches-domestiques-en-trois-graphes_902569.html
https://www.inegalites.fr/L-inegale-repartition-des-taches-domestiques-entre-les-femmes-et-les-hommes
http://www.maison-egalite-femmes-hommes.fr/ressources-livres.html